
ACTES DE LA 3EME RENCONTRE
1. INTRODUCTION : UN REGARD DU SUD SUR LA MEDITERRANEE
Cette merveilleuse région méditerranéenne trouve, comme les autres endroits qui se situent dans des lieux de passage, sa dynamique quotidienne dans la mouvance des influences qui viennent de partout. C’est une région de rassemblement et de brassage de toute une série de civilisations et de cumul d’évènements historiques dont l’ensemble fait d’elle un lieu bien particulier. Chaque chose et chaque image des différentes facettes de cette Méditerranée exigent un certain regard assez profond pour qu’elles soient comprises et analysées et que son secret soit élucidé. La Méditerranée est à la fois ce qui sépare et ce qui relie.
Il ressort de son patrimoine génétique que l’Europe et l’Afrique demeurent les facteurs les plus influents sur son changement. En effet, cette région a été le témoin bienveillant de plusieurs transactions à caractère politique, social et économique entre les pays européens et leurs homologues du continent africain. Ceci a évolué à travers de longues périodes de crise où la traite négrière était monnaie courante et le pillage des richesses africaines, un droit imposé par les colons.
Au lendemain de l’indépendance du continent africain, la Méditerranée a changé de fonction. Elle est devenue le passeur de la nuisance du Sud vers le Nord qui a donné lieu rapidement à de grandes crises d’ordre social telles que les montées du racisme à l’égard des ressortissants du Sud ainsi que l’exploitation abusive de la main d’oeuvre étrangère, particulièrement dans les secteurs des mines.
Aujourd’hui, devant cette crise mondiale, la Méditerranée représente le creuset et le point d’ancrage d’une nouvelle génération de problèmes liés notamment à la pollution, le vieillissement des populations, l’agitation sociale et l’instabilité politique. Quant à l’immigration, elle est devenue un problème sociétal d’une grande ampleur qui frappe particulièrement le Maghreb. Auparavant, cette région a été utilisée comme passage vers le Nord. Depuis quelques années, elle est devenue une destination. La situation de l’Europe dans les années 60 et 70 se retrouve maintenant dans ces pays-là, avec toutes les conséquences secondaires que cela engendre.
Un nouveau profil de migration économique est en train de se mettre progressivement en place et ce, dans le sens d’un déplacement du Nord vers le Sud. Il concerne des demandeurs d’emploi et des personnes retraitées. Ce dernier phénomène a tendance à progresser depuis quelques années. Évidemment, une pension de retraite européenne permet à un ménage de troisième âge une vie décente avec des conditions meilleures que dans son pays d’origine. Beaucoup de villes du Sud sont entrain de connaître ce type de migration. Il y a même parfois des quartiers investis par des retraités qui développent de nouvelles activités socioéconomiques ou culturelles transférées d’ailleurs et qui prennent de plus en plus de place dans les espaces publics.
Cette nouvelle tendance sera probablement à l’origine d’un changement important dans les rapports entre pays ; ce qui pourrait engendrer la mise en place d’un nouveau cadre relationnel entre eux. Ce changement de comportement social, politique et économique apportera des nouvelles conditions de partenariat qui tiendront compte des intérêts des uns et des autres. À cet effet, un débat public sur un nouveau modèle de développement est engagé à plusieurs niveaux dans le but d’identifier les réponses justes afin de pouvoir apporter l’ajustement demandé et par la même occasion, faire face à la crise multidimensionnelle qui fragilise dangereusement les régimes politiques de la région. Les fora et les symposiums tenus à ce sujet ont relancé le débat sur les alternatives d’entraide et de solidarité que pourrait offrir l’Economie Sociale et Solidaire (ESS).
Ce type de réflexion a fait l’objet de rencontres à caractère régional entre acteurs de l’Economie Sociale et Solidaire. ESMED, Économie Sociale et Solidaire en Méditerranée, réseau méditerranéen né en 2000, a pu se questionner à maintes reprises sur les voies et les moyens à suivre pour sortir de cette crise. Sa conférence de 2011 à Barcelone a donné lieu à une panoplie de recommandations à ce sujet. Les autres organisations récentes telles que MedESS et Maghreb-ESS ont tenté, chacune de leur côté, d’identifier les pistes de progrès susceptibles de donner une inspiration aux politiques de la région et de favoriser ainsi une démocratie économique sur la base d’un développement durable.
En cherchant à atténuer les méfaits du capitalisme qui atteint ses limites, il est recommandé à ce propos des modèles de développement plus humanisés, où l’homme est au centre de la préoccupation en matière de développement. Bien entendu, l’intérêt immédiat recherché est celui d’apaiser la tension de revendication publique provoquée par un taux de chômage qui dépasse parfois les 30 % surtout chez les jeunes notamment en Espagne. Au regard de cette situation, l’Economie Sociale et Solidaire trouvera sa place en Méditerranée et apportera par voie de conséquence les solutions d’équilibre et de régulation nécessaires pour une justice sociale tant attendue.
Il est à signaler que les pays de la région détiennent aujourd’hui un substrat d’affaires dans ce domaine jugé important. Il est composé d’entreprises sociales et d’organisations non lucratives relevant de cette économie sociale. Ce secteur emploie à lui seul 6,3 millions d’individus dans 411000 entreprises majoritairement des coopératives et des associations. Mais la grande question reste liée aux modalités de promotion de ces alternatives de développement dans une région où un certain nombre de problèmes reste posé, tels que la question de la circulation des populations et le déséquilibre économique entre le Sud et le Nord.
Cependant, le Sud est confronté, en plus de ce déséquilibre constaté, à un déficit important en matière de décentralisation et de régionalisation, deux éléments essentiels pour amener cette économie à intégrer un territoire et devenir un générateur par excellence de richesses et d’emplois. Comparant les pays du Sud agissant dans le domaine de l’Economie Sociale et Solidaire, on peut constater que le Maroc a fait des efforts louables dans ce domaine depuis 2000. Il se distingue par rapport aux pays de la rive Sud par une avancée remarquable dans certains chantiers liés au développement des entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire. L’Initiative Nationale du Développement Humain (INDH), lancée en 2005 pour lutter contre la pauvreté, et le deuxième pilier du plan «MAROC VERT», destiné aux petits agriculteurs, témoignent tous deux de cette large implication des associations et des coopératives. La situation en Algérie est différente où l’économie sociale du pays est marquée majoritairement par l’action mutualiste centrée sur la couverture sociale et médicale. La vie associative, quant à elle, reste modeste et très localisée. En Tunisie, la promulgation d’une nouvelle loi sur les associations en 2011 se distingue par l’absence de sanctions privatives de liberté ainsi que la simplification des procédures en matière de création et de gestion d’une association. La nouvelle constitution tunisienne a inscrit aussi la démocratie participative en donnant de l'importance aux régions. Néanmoins, la relation entre la société civile et le pouvoir exécutif reste marquée par des hésitations réciproques ainsi qu’une absence de procédures de concertation.
Les textes réglementaires régissant l’économie sociale sur le rive Sud laissent apparaitre globalement des définitions statutaires non conformes à ce qui se fait dans la majorité des pays. Cette hétérogénéité rend difficile le partenariat intermaghrébin dans ce domaine d’autant que chaque gouvernement donne une lecture particulière à l’usage et à l’utilité de cette alternative. Certains veulent en faire un instrument palliatif, caritatif alors que d’autres la voient comme un levier pour assurer un développement durable capable de mobiliser le potentiel de chaque territoire afin d’apporter le changement et les conditions nécessaires en faveur d’un développement local inclusif.
La rive Nord est mieux placée par rapport au Sud en matière d’Economie Sociale et Solidaire. En France, 45% de la population majeure adhère aux associations relevant de la loi de 1901. Au niveau européen, on compte 248 millions d’adhérents dans une coopérative, une mutuelle ou une association avec une contribution au PNB de 8%. La contribution de ce secteur dans l’emploi en Europe est de l’ordre de 6%. Ces données montrent combien l’entreprise sociale est importante dans la dynamique économique européenne.
De ce constat, il ressort la nécessité d’amener les deux rives à travailler ensemble pour profiter suffisamment des expériences des uns et des autres ainsi que valoriser les échanges commerciaux des services et des produits émanant des coopératives. À ce propos, le commerce équitable a un rôle prépondérant à jouer pour créer une nouvelle dimension d’échange entre l’Europe et ses anciennes «colonies». Cette coopération pourrait donner l’occasion à beaucoup de pays du Nord d’effacer l’ardoise du passé et de promouvoir une citoyenneté solidaire plus émancipée et plus juste.
Auteur de l’article : M. Abdeljalil CHERKAOUI, Coordinateur du RAESS
Cette merveilleuse région méditerranéenne trouve, comme les autres endroits qui se situent dans des lieux de passage, sa dynamique quotidienne dans la mouvance des influences qui viennent de partout. C’est une région de rassemblement et de brassage de toute une série de civilisations et de cumul d’évènements historiques dont l’ensemble fait d’elle un lieu bien particulier. Chaque chose et chaque image des différentes facettes de cette Méditerranée exigent un certain regard assez profond pour qu’elles soient comprises et analysées et que son secret soit élucidé. La Méditerranée est à la fois ce qui sépare et ce qui relie.
Il ressort de son patrimoine génétique que l’Europe et l’Afrique demeurent les facteurs les plus influents sur son changement. En effet, cette région a été le témoin bienveillant de plusieurs transactions à caractère politique, social et économique entre les pays européens et leurs homologues du continent africain. Ceci a évolué à travers de longues périodes de crise où la traite négrière était monnaie courante et le pillage des richesses africaines, un droit imposé par les colons.
Au lendemain de l’indépendance du continent africain, la Méditerranée a changé de fonction. Elle est devenue le passeur de la nuisance du Sud vers le Nord qui a donné lieu rapidement à de grandes crises d’ordre social telles que les montées du racisme à l’égard des ressortissants du Sud ainsi que l’exploitation abusive de la main d’oeuvre étrangère, particulièrement dans les secteurs des mines.
Aujourd’hui, devant cette crise mondiale, la Méditerranée représente le creuset et le point d’ancrage d’une nouvelle génération de problèmes liés notamment à la pollution, le vieillissement des populations, l’agitation sociale et l’instabilité politique. Quant à l’immigration, elle est devenue un problème sociétal d’une grande ampleur qui frappe particulièrement le Maghreb. Auparavant, cette région a été utilisée comme passage vers le Nord. Depuis quelques années, elle est devenue une destination. La situation de l’Europe dans les années 60 et 70 se retrouve maintenant dans ces pays-là, avec toutes les conséquences secondaires que cela engendre.
Un nouveau profil de migration économique est en train de se mettre progressivement en place et ce, dans le sens d’un déplacement du Nord vers le Sud. Il concerne des demandeurs d’emploi et des personnes retraitées. Ce dernier phénomène a tendance à progresser depuis quelques années. Évidemment, une pension de retraite européenne permet à un ménage de troisième âge une vie décente avec des conditions meilleures que dans son pays d’origine. Beaucoup de villes du Sud sont entrain de connaître ce type de migration. Il y a même parfois des quartiers investis par des retraités qui développent de nouvelles activités socioéconomiques ou culturelles transférées d’ailleurs et qui prennent de plus en plus de place dans les espaces publics.
Cette nouvelle tendance sera probablement à l’origine d’un changement important dans les rapports entre pays ; ce qui pourrait engendrer la mise en place d’un nouveau cadre relationnel entre eux. Ce changement de comportement social, politique et économique apportera des nouvelles conditions de partenariat qui tiendront compte des intérêts des uns et des autres. À cet effet, un débat public sur un nouveau modèle de développement est engagé à plusieurs niveaux dans le but d’identifier les réponses justes afin de pouvoir apporter l’ajustement demandé et par la même occasion, faire face à la crise multidimensionnelle qui fragilise dangereusement les régimes politiques de la région. Les fora et les symposiums tenus à ce sujet ont relancé le débat sur les alternatives d’entraide et de solidarité que pourrait offrir l’Economie Sociale et Solidaire (ESS).
Ce type de réflexion a fait l’objet de rencontres à caractère régional entre acteurs de l’Economie Sociale et Solidaire. ESMED, Économie Sociale et Solidaire en Méditerranée, réseau méditerranéen né en 2000, a pu se questionner à maintes reprises sur les voies et les moyens à suivre pour sortir de cette crise. Sa conférence de 2011 à Barcelone a donné lieu à une panoplie de recommandations à ce sujet. Les autres organisations récentes telles que MedESS et Maghreb-ESS ont tenté, chacune de leur côté, d’identifier les pistes de progrès susceptibles de donner une inspiration aux politiques de la région et de favoriser ainsi une démocratie économique sur la base d’un développement durable.
En cherchant à atténuer les méfaits du capitalisme qui atteint ses limites, il est recommandé à ce propos des modèles de développement plus humanisés, où l’homme est au centre de la préoccupation en matière de développement. Bien entendu, l’intérêt immédiat recherché est celui d’apaiser la tension de revendication publique provoquée par un taux de chômage qui dépasse parfois les 30 % surtout chez les jeunes notamment en Espagne. Au regard de cette situation, l’Economie Sociale et Solidaire trouvera sa place en Méditerranée et apportera par voie de conséquence les solutions d’équilibre et de régulation nécessaires pour une justice sociale tant attendue.
Il est à signaler que les pays de la région détiennent aujourd’hui un substrat d’affaires dans ce domaine jugé important. Il est composé d’entreprises sociales et d’organisations non lucratives relevant de cette économie sociale. Ce secteur emploie à lui seul 6,3 millions d’individus dans 411000 entreprises majoritairement des coopératives et des associations. Mais la grande question reste liée aux modalités de promotion de ces alternatives de développement dans une région où un certain nombre de problèmes reste posé, tels que la question de la circulation des populations et le déséquilibre économique entre le Sud et le Nord.
Cependant, le Sud est confronté, en plus de ce déséquilibre constaté, à un déficit important en matière de décentralisation et de régionalisation, deux éléments essentiels pour amener cette économie à intégrer un territoire et devenir un générateur par excellence de richesses et d’emplois. Comparant les pays du Sud agissant dans le domaine de l’Economie Sociale et Solidaire, on peut constater que le Maroc a fait des efforts louables dans ce domaine depuis 2000. Il se distingue par rapport aux pays de la rive Sud par une avancée remarquable dans certains chantiers liés au développement des entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire. L’Initiative Nationale du Développement Humain (INDH), lancée en 2005 pour lutter contre la pauvreté, et le deuxième pilier du plan «MAROC VERT», destiné aux petits agriculteurs, témoignent tous deux de cette large implication des associations et des coopératives. La situation en Algérie est différente où l’économie sociale du pays est marquée majoritairement par l’action mutualiste centrée sur la couverture sociale et médicale. La vie associative, quant à elle, reste modeste et très localisée. En Tunisie, la promulgation d’une nouvelle loi sur les associations en 2011 se distingue par l’absence de sanctions privatives de liberté ainsi que la simplification des procédures en matière de création et de gestion d’une association. La nouvelle constitution tunisienne a inscrit aussi la démocratie participative en donnant de l'importance aux régions. Néanmoins, la relation entre la société civile et le pouvoir exécutif reste marquée par des hésitations réciproques ainsi qu’une absence de procédures de concertation.
Les textes réglementaires régissant l’économie sociale sur le rive Sud laissent apparaitre globalement des définitions statutaires non conformes à ce qui se fait dans la majorité des pays. Cette hétérogénéité rend difficile le partenariat intermaghrébin dans ce domaine d’autant que chaque gouvernement donne une lecture particulière à l’usage et à l’utilité de cette alternative. Certains veulent en faire un instrument palliatif, caritatif alors que d’autres la voient comme un levier pour assurer un développement durable capable de mobiliser le potentiel de chaque territoire afin d’apporter le changement et les conditions nécessaires en faveur d’un développement local inclusif.
La rive Nord est mieux placée par rapport au Sud en matière d’Economie Sociale et Solidaire. En France, 45% de la population majeure adhère aux associations relevant de la loi de 1901. Au niveau européen, on compte 248 millions d’adhérents dans une coopérative, une mutuelle ou une association avec une contribution au PNB de 8%. La contribution de ce secteur dans l’emploi en Europe est de l’ordre de 6%. Ces données montrent combien l’entreprise sociale est importante dans la dynamique économique européenne.
De ce constat, il ressort la nécessité d’amener les deux rives à travailler ensemble pour profiter suffisamment des expériences des uns et des autres ainsi que valoriser les échanges commerciaux des services et des produits émanant des coopératives. À ce propos, le commerce équitable a un rôle prépondérant à jouer pour créer une nouvelle dimension d’échange entre l’Europe et ses anciennes «colonies». Cette coopération pourrait donner l’occasion à beaucoup de pays du Nord d’effacer l’ardoise du passé et de promouvoir une citoyenneté solidaire plus émancipée et plus juste.
Auteur de l’article : M. Abdeljalil CHERKAOUI, Coordinateur du RAESS
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